Mise à jour le 19.12.22
Charles SCHNEIDER (1881-1953) de la verrerie appréciée outre-atlantique
De la grande époque de la verrerie Art Nouveau/Art déco (entre 1895 et 1935), le grand public retient surtout trois noms, Daum, Gallé et Lalique. Un quatrième, Schneider, plus discret, fait également partie de cette pléiade. La verrerie Schneider fut assurément l’une de plus importantes du XXé siècle. Infatigable créateur, Charles Schneider créa plusieurs centaines de modèles entre 1918 et 1933, diffués par deux lignes commerciales : Schneider et Charder, le Verre Français. Caractérisées par des couleurs vives, puissantes, contrastées et de motifs naturalistes et stylisées, les verreries Schneider eurent un succès retentissant à l’exposition universelle de 1925 et furent massivement exportées vers l’Amérique. Durement frappée par la crise de 1929, la verrerie est contrainte de cesser ses activités peu après. Toutefois Charles Schneider incite ses enfants à installer une nouvelle cristallerie dans les années 1950, où Robert-Henri Schneider créa des pièces uniques.
Symbolisant parfaitement le style Art Déco de l’Entre deux guerres, les verreries Schneider furent pourtant longtemps oubliées. Un regain d’intérêt participe depuis les années 1980 à leur reconnaissance et la cotation de cette verrerie ne cesse d’augmenter.
Les années de formation :
Originaire de Lorraine, la famille Schneider s’installe à Nancy à la fin du XIXe siècle. Ernest Schneider s’y rend en 1890 pour suivre les cours de l’Ecole Primaire supérieure. Il y est rejoint par sa mère et son frère Charles en 1894, puis par sa sœur Ernestine en 1908.
En 1897, Charles Schneider a seize. Il entre à la verrerie Daum, tout en suivant les enseignements de l’Ecole des Beaux Arts de Nancy jusqu’en 1904. L’année suivante, une bourse d’étude de la ville, obtenue grâce au soutien d’Antonin Daum, lui permet de poursuivre ses études à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, dans les ateliers de Jean-Charles Chaplain et de Frédéric de Vernon. Il y apprendra les techniques de gravure de médaille, dont plusieurs créations seront présentées aux salons de la société des artistes français entre 1906 et 1913.
En parallèle à ses études parisiennes, Charles Schneider ouvre à Nancy un magasin d’objets d’art où il vend sa production de médailles, de camées et de coupes en bronze, inspirés de l’Art Nouveau. Il poursuit également sa collaboration avec Daum, où son frère Ernest travaille depuis 1902 au service commercial.
Forts de ces expériences, Ernest et Charles Schneider décident de reprendre l’exploitation d’une verrerie à Epinay sur Seine en 1913. Ainsi Charles est l’artiste et Ernest le gestionnaire. Cet achat n’a pu se faire que grâce aux indemnités perçues par Ernest lors de son départ de la maison Daum et à l’apport financier de leur associé, l’architecte Henri Wolff. Mais en 1914, à peine les activités de la verrerie avaient elles débuté qu’elles doivent être interrompues par le conflit mondiale et la mobilisation générale. Cependant, les besoins nationaux en verreries sanitaires entraînent en 1917 la démobilisation des frères Schneider pour remettre l’usine en marche et produire de la verrerie médicale.
En 1918, l’entreprise est reconvertie en verrerie est reconvertie en verrerie d’art. Ernest s’occupe habilement de gérer, tandis que Charles conçoit les modèles édités. Les premières pièces à décors émaillés de fleurs et de paysages reprennent ses études dessinées avant guerre, ainsi que celles de son ami Gaston Hoffmann, rencontré aux Beaux Arts de Paris. Toutefois, Charles devient vite l’unique créateur des pièces. S’éloignant progressivement de l’Art Nouveau, il développe un genre très personnel, caractérisé par des couleurs vives, puissantes, contrastées et des motifs naturalistes et stylisés, symbolisant parfaitement le style Art Déco de l’entre deux guerres.
Diffusées par les lignes commerciales Schneider et Charder, le Verre Français, les verreries décoratives se vendent si bien que la manufacture doit s’agrandir en 1925 pour accueillir les 500 verriers nécessaires à la production et répondre au marché américain. Malheureusement la verrerie est lourdement frappée par la crise de 1929 et est contrainte de cesser sa production peu après. Ses activités n’auront duré qu’une quinzaine d’années.
Une courte collaboration avec les Établissements Gallé : Les Établissements Gallé conclut un accord en juin 1918, avec la cristallerie des frères Schneider. Elle prend la forme d’une location à la journée, à raison de 500 frs par jour hors salaires, de plusieurs places de verriers dans l’usine Schneider. Émile Lang, qui était lui-même devenu chef de la halle de verrerie Gallé avant de prendre la direction opérationnelle de toute la fabrique, vient en personne superviser le travail de la petite équipe de verriers dépêchée à Épinay avec son propre matériel (en particulier les moules), qui travaille en toute autonomie. Pour limiter les risques de divulgation de secrets de fabrication, la décision est prise de ne pas réaliser de combinaison de couleurs et de se limiter à produire des blancs en verre multicouche. L’arrangement profite aux deux parties. Cette collaboration n’a laissé qu’un faible souvenir dans l’histoire de la verrerie Schneider.
La ligne Schneider :
Dés 1918, Charles Schneider crée les premiers modèles de trois séries devenues emblématiques de la ligne Schneider : les coupes bijoux s’ouvrent délicatement sur une fine tige, les petits vases bijoux sont précieux et intimes, les grandes coupes à pied noir révèlent brillamment de puissantes couleurs .
Pour cette ligne commerciale, 32 couleurs furent créées par le chimiste Babille, dont le fameux orangé tango, mais aussi l’opale jaune, le violet et le rouge à l’or. Réduites en poudre, les couleurs apparaissent en surface ou en intercalaire dans les pièces généralement soufflées à la volée. Cette technique de coloration aboutira à des séries prestigieuses telles que les Jades et les Marbrines qui rappellent l’univers minéral ou encore les séries de vases filetés et écailles. Cependant, les décors sont aussi bien souvent appliqués en surface de verreries au chalumeau comme dans les vases bijoux. Ils sont encore dans d’autres cas gravés en camée ou à la roue comme dans les vases Camélias.
A la fin des années 1920, les verreries de la ligne Schneider évoluent vers des formes plus architecturales. Dans la série de vases Godrons, le verre est plus épais, très légèrement coloré et bien plus translucide.
La ligne Charder, le Verre Français :
La marque Le Verre Français fut déposé en octobre 1918 pour créer une seconde ligne plus fantaisiste, distincte des verreries haut de gamme de la ligne Schneider. Les formes simples et les décors stylisés inspirés de la nature rencontrent un vif succès, en particulier auprès d’une clientèle américaine. Celle-ci apprécie l’audace et la modernité des couleurs, ainsi que le contraste des motifs lisses et brillants qui se détachent des fonds mats gravés à l’acide. Si les couleurs utilisés sont restreintes (17 teintes ont été répertoriées), plus de 180 décors sont en revanche dénombrés. Ils apparaissent indifféremment sur des vases de formes différentes et dans plusieurs couleurs multipliant du fait les modèles. La ligne est donc rentable grâce à sa large diffusion mais sa marge bénéficiaire est restreinte à cause des interventions supplémentaires de gravure des décors.
Identifiées d’abord par un berlingot tricolore, puis remplacé par la signature Le verre Français, les verreries de cette marque laissent enfin apparaître en 1925 le terme Charder, issu de la contraction de Charles Schneider et avec un prix de vente plus adapté au contexte économique de l’époque. Elles rencontrent le succès auprès des grands magasins.
Vers la fin des année 1920, les pièces évoluent vers des formes et des décors plus géométriques.
Diffusion commerciale et salons :
Bien que la verrerie Schneider soit absente des salons parisiens et que ses articles de verrerie soient peu diffusés par les revues, l’abondance de sa production atteste de son réseau commercial.
Sans doute, l’expérience acquise par Ernest Schneider au service commercial de la Maison Daum a-t-elle facilité la gestion de l’entreprise et l’organisation rapide de la commercialisation car dès les débuts, Ernest affiche une originalité certaine en créant deux lignes commerciales. La ligne Schneider propose des articles haut de gamme vendus au 54 rue de Paradis à Paris, tandis que la ligne Le Verre Français est vendue dans la même rue au 14 dans un dépôt confié à Ernestine, la sœur aînée.
Toutefois, ces deux points de vente sont vite insuffisants pour écouler la production et la verrerie doit faire appel à des dépositaires et des représentants qui sillonnent la France. Par ailleurs, les grands magasins d’objets d’art diffusent aussi leurs verreries. A Paris, elles sont vendues aux ateliers d’art des Galeries Lafayette à Primaverra, au Vase Etrusque, chez Rouard et chez Delvaux. A Lyon, la verrerie participe régulièrement à la Foire internationale devenue en quelques années le grand marché des exportations françaises. Les agences et les vendeurs de la Foire présents en Amérique favorisent l’écoulement de la ligne Le Verre Français aux Etats-Unis, en Argentine et au Brésil.
L’âge d’or de la verrerie est incontestablement l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925, ou la verrerie est particulièrement bien représentée dans les pavillons consacrés au verre, à l’architecture, au mobilier et à l’enseignement. Quatre ans plus tard, la crise de 1929 frappe durement la verrerie qui doit cesser ses activités peu après.
Le vitrail :
A l’exception des deux vitraux Lampions et Raisons fruits déposés en 2010 de la maison d’Ernest Schneider à Epinay sur Seine, de quelques dessins et de très rares témoignages, peu de traves semblent aujourd’hui témoigner de la production de vitraux de la manufacture Schneider.
Et pourtant, ce type de production est bien cité dans les archives. Tout d’abord, il est fort probable que Charles Schneider ait rencontré le peintre-verrier Jacques Gruber, quand ce dernier assurait à Nancy des cours de composition décorative à la fin du XIXe siècle. Ensuite, l’activité du vitrail est citée en 1925 sur la carte de visite de la verrerie au même titre que les vases, les coupes, les lampes et la mosaïque de verre. Enfin, cette activité est particulièrement bien représentée à l’Exposition universelle de 1925, puisque des vitraux apparaissent dans plusieurs pavillons. Dans la section de l’enseignement technique, la verrerie Schneider avait aménagé un stand de démonstration et réalisé des vitraux pour le plafond de la salle des congrès de la section française et les fenêtres d’une des tours des vins de France.
Athée notoire, Charles Schneider ne semble pas avoir réalisé de vitraux pour les églises. Comme l’attestent les esquisses et les projets, la production était plutôt orientée vers la réalisation de vitraux pour les demeures privées et les édifices publics.
La cristallerie Schneider :
Après la seconde guerre mondiale, Charles Schneider incite son fils aîné, Charles Junior, à construire une nouvelle verrerie. Ingénieur de formation, celui-ci dépose en 1947 un permis de construire, accompagné de plans, pour l’installation d’une cristallerie sur le terrain familial, à Epinay sur Seine. L’établissement est créé en 1950 sous l’appellation des Cristalleries Schneider et Robert-Henri Schneider, le second fils de Charles, qui a suivi comme son père un enseignement artistique, en est promu le directeur artistique.
Auprès de son père qui participe encore aux premières années d’activité de la cristallerie, Robert-Henri Schneider crée des vases et des coupes aux parois épaisses, irrégulièrement bullés, et quelquefois teintés de bleu ou mouchetés de noir.
L’esthétique des années 1950 s’annonce bien différente de celle de l’Art Déco de l’entre deux guerres. Le cristal remplace le verre : les couleurs vives et contrastées ont laissé la place à l’absence de couleur. Le cristal soufflé librement est progressivement étiré. Au-delà des formes traditionnelles, Robert-Henri Schneider crée aussi des lignes originales de bougeoirs, de pendules et d’animaux.
En 1957, une explosion de gaz entraîne la destruction de la cristallerie. Quatre ans plus tard, l’entreprise est transférée à Lorris dans le Loiret. A coté de la production de pièces décoratives, la cristallerie produit également de la gobeleterie. En parallèle à ces activités, Robert-Henri Schneider crée de son côté quelques pièces uniques qui annoncent déjà la création libre et spontanée des premiers ateliers indépendants français. Il se retire de la cristallerie en 1977, et son frère aîné, Charles Junior ferme définitivement l’usine en 1981.
Les signatures :
. En 1918 et 1933, la signature Schneider se présente en lettres cursives gravées à la pointe (parfois rehaussée d’or) ou peinte à l’émail marron ou or jusqu’en 1922. En 1924-1925 on la trouve gravée à la roue et en lettres avec la technique de jet de sable entre 1924 et 1933. Entre 1913 et 1924, la signature Schneider est parfois précédée d’une amphore ou exceptionnellement d’une Croix de Lorraine. Les modèles pour l’exportation partent avec une mention France.
.La signature Le Verre Français est déposée le 22 octobre 1918, ainsi les modèles non signés sont antérieurs à cette date. De 1918 à 1922, quelques verreries (donc rares) portent uniquement comme signature une baguette bleu, blanc et rouge dit Berlingot, intégrée à chaud dans le verre (modèle déposée le 22.10.1918). La signature le Verre Français est gravée à la pointe ou à l’acide en général sur la base de la pièce. Concernant la signature Berlingot, elle représente un signe patriotique de la part des Frères Schneider. Elle est décriée au bout de 3 ans par la clientèle qui lui reproche ses aspects divers : trop fin, trop long, parfois à peine visible, bref parfois trop, trop … .
.La signature Charder contraction de Charles Schneider est gravée en camée à l’acide. Elle apparaît vers 1927. La double signature Charder/Le Verre Français est réalisée pour des pièces produites vers 1929 et à la pointe. Les pièces destinées à l’exportation portent en plus la mention France.
.Les modèles pressés moulés, marqués Verçais contraction de Verre Français portent une signature gravée à la pointe ou au jet de sable entre 1930 et 1933.